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Le pegging et les peurs qui gravitent autour (2/2) :
La peur de l’humiliation de l’homme à travers le pegging
Même si notre blog et notre notion de « pegging amoureux » s’inscrivent plutôt en faux par rapport à la pratique de l’humiliation de l’homme comme on tend à le voir fréquemment pour au contraire revendiquer une forme plus tendre et plus complice du pegging, il n’en est pas moins vrai que cela fait partie des pulsions que l’homme ou la femme peuvent découvrir en le pratiquant. Comme nous le voyons, nous touchons ici à des choses très intimes. Pour beaucoup, le pegging va nous révéler notre désir plus ou moins fort de dominer ou de se soumettre, ou de voir l’autre nous dominer si on est un homme ou se soumettre à nous si on est une femme. Et ici, le paramètre qui va orienter la nature des jeux érotiques réside précisément dans leur dimension plus ou moins humiliante que l’on conférera à l’environnement du pegging.
Pour nous, le pegging n’est ni une pratique dégradante pour l’homme, ni une punition ou une diminution de la virilité masculine. Elle a pour vocation de donner du plaisir à l’homme et de faire vivre à la femme une autre dimension plus fantasmatique à sa sexualité. Cependant, force est de constater que l’enrichissement des jeux érotiques provoqués par la pratique du pegging et notre confrontation plus ou moins directes avec des problématiques qui tournent autour de la Domination/Soumission ont progressivement modifié notre regard sur la question. Ce qui hier nous paraissait improbable s’est peu à peu immiscé dans nos jeux, notamment ce qui tourne au BDSM. Bref, on dira que les contours sont moins nets aujourd’hui et qu’il y a une place à l’humiliation de l’homme qui n’existait pas à nos débuts.
Aussi, que vous soyez attirés ou non par cette pratique, vous y serez tôt ou tard confrontés soit parce que vous découvrirez en vous ce désir, soit qu’il trottera dans la tête de l’autre. Restera bien entendu à définir sa place dans votre couple.
Yvresse parle :
Dans notre couple, cette composante joue encore assez peu, car elle touche à l’image de l’homme et, comme je l’ai déjà dit, mon érotisme autour du mâle ne se construit pas sur un homme faible. Au contraire, je dirais que l’humiliation de l’homme est presque anti-érotique pour moi. Ces pulsions que l’homme peut manifester sur le sujet ont tendance à détruire ce qui m’attire en lui ; en conséquence, nous ne les explorons pas vraiment, sauf dans un cadre qui se voudra le plus amusant possible. En tout cas, moi, j’ai besoin que cela ne soit pas trop sérieux. Le rire ou l’humour autour des situations que nous mettrons alors en scène me permet de prendre de la distance entre ce que je vis et ce que nous sommes l’un et l’autre avant et après. Comme nous le disons dans notre livre, le couple qui s’adonne au pegging est à la fois différent et pareil avant et après.
Dans ce cadre, j’y éprouve un certain plaisir car j’aime me glisser dans un rôle au travers de ce que je vais incarner ou exiger de l’homme, tout comme je sais que Songe s’amuse avec moi. En fait, j’ai compris qu’il ne recherchait pas vraiment ça pour lui mais qu’il aimait me voir le lui demander. C’est à travers ma faculté à jouer ce rôle qu’il y prend du plaisir, ce qui me rassure quelque peu. On peut dire que je ne suis pas forcément une vraie dominatrice et qu’il n’est pas forcément un vrai soumis, et cela me va tout à fait, mais qu’il aime me voir le devenir, tout comme il espère que j’aime le voir se soumettre à moi.
Or, j’ai découvert que certains hommes et certaines femmes ressentent ce besoin de manière très marquée. Au début, j’ai trouvé cette dimension quelque peu effrayante par ce qu’elle révélait de la nature de la relation entre l’homme et la femme, parce que je n’arrivais pas à projeter mon couple dans de telles scènes d’humiliation. Puis, j’ai appris à les relativiser et à les mettre en perspectives avec ce que nous entendons quasiment quotidiennement sur le harcèlement que vivent les femmes et que moi aussi j’ai pu vivre et que je vis encore bien souvent.
Sans dire que j’ai en moi un besoin de vengeance, je comprends que le désir de l’humiliation de l’homme par la femme puisse être défoulant. Et surtout, je cerne mieux ce qu’attend un homme à se plier à cette volonté jusqu’à l’extrême. Cette relation bascule le couple dans un rapport plus unique. Il s’agit pour ainsi dire de reculer les limites du possible. Et plus la femme ira loin dans cette direction, plus l’homme prouvera de la sorte son asservissement à elle jusqu’à nier ce qu’il est censé être. Ce que je trouvais effrayant au départ lui confère également une forme de beauté à l’obtenir d’un homme. Il prouve ainsi sa dévotion à l’égard de la femme qui devient une sorte de reine absolue et capricieuse qui aurait trouvé la victime parfaite pour défouler ses pulsions les plus secrètes de sadisme, de domination et de vénération.
Mais il y a une responsabilité de cette même femme autour de ce qu’elle va faire vivre à l’homme qui me parait trop grande. Il est évident que ces hommes qui acceptent d’être humiliés au plus haut point en ont envie et qu’ils l’attendent de ces femmes dominatrices. En soi, pour ma part, je n’ai pas besoin de cette dévotion à mon égard. J’ai besoin d’une relation homme-femme plus équilibrée. Et quelque part, je l’obtiens justement avec la pratique du pegging, puisque l’homme me demande de prendre sexuellement sa place. Et puis, je veux garder en face de moi un homme virile parce que notre sexualité ne se limite pas au pegging et encore moins aux jeux de D/S.
Songe parle:
Comme Yvresse l’a signalé, cette dimension ne m’attirerait que dans la mesure où Yvresse aurait des envies de jeu mettant en scène cette humiliation. Je n’ai pas en soi l’envie de la vivre. Par contre, j’éprouve une certaine curiosité à imaginer cet être qui partage ma vie découvrir en elle des choses aussi peu raisonnables et vouloir les mettre en scène avec moi. Ce qui m’intéresserait ici, ce serait devenir son complice pour l’aider à se découvrir.
Je sais que j’aurai moi-même assez vite des limites parce que je ne suis pas complètement à l’aise avec tout ce que j’ai vu sur le sujet. Encore une fois, il s’agit de trouver un cadre qui soit compatible avec l’image de ce que chacun souhaite être et vivre, sans pour autant détruire ce qui forme notre couple. En clair, si cela doit l’affaiblir autant l’éviter ; cela peut renforcer sa complicité, alors l’enjeu peut en valoir la chandelle.
Bref, je me tiens en quelque sorte à disposition d’Yvresse quand l’envie lui prend de tester de nouveaux jeux, parce que je sais qu’elle explore pour l’heure des choses très en-dessous de ce que je serai tenté de refuser.
Mais je comprends l’étrange pulsion que peuvent ressentir certains hommes à s’humilier de la sorte. Il y a une forme de négation du poids que la société veut faire endosser à l’homme et également le besoin de trouver ses propres limites. Et puis, je trouve que rencontrer une femme qui nous donnerait ce désir a quelque chose de fascinant. C’est une forme de don qu’ils font. Et en même temps, je suppose qu’ils éprouvent un certain plaisir à sortir de la norme leur relation avec une femme et à vivre cette négation de leur être et de leur masculinité. Ce que je trouve attirant, c’est la complétude manifeste entre ces hommes et ces femmes ; chacun y trouve son compte et trace son chemin avec l’aide de l’autre. Il s’établit une sorte d’harmonie paradoxale.
Pour ma part, le pegging amoureux que nous promouvons n’appelle pas ce genre de comportements. Au contraire, il doit permettre au couple de tisser des liens plus forts autour de sa complicité. Notre propos n’est pas de les bannir mais juste de dire qu’il ne faut pas fuir le pegging si, comme nous, l’humiliation de l’homme vous effraie quelque peu.
Dans tous les cas, si vous souhaitez témoigner sur la question (soit parce que vous le vivez ou voulez le vivre ou que cela vous dérange), nous serions ravis de recueillir votre témoignage.
Tags : humiliation, dominatrice, réflexion érotique, pegging, difficulté du couple à vivre sa sexualité
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Commentaires
Pour revenir sur cette peur d'oser des jeux plus D/s ou moins vanille et la peur d'aller trop loin. Froisser l'image de l'un ou l'autre dans le couple. Dès lors que les deux sont parfaitement clairs sur les jeux et n'oublient pas l'extraction de chacun après la séance, tout est permis dans les limites de chacun bien sûr. Par extraction j'entends ce moment aftersex de câlin, discussion, je veux pas dire débriefing, je trouve ça froid, mais c'est l'idée... dans les bras l'un de l'autre, discuter de tout ce qui permet de fermer cette parenthèse et revenir à une situation normale. Ce moment est aussi important que l'acte sexuel D/s lui même. Dans un vrai couple amoureux, il ne peut exister l'un sans l'autre.
Je comprends tout à fait qu'Yvresse ait peur de perdre son homme quelque part dans les lymbes du jeu et perdre son image. Mais prendre un recul sur la situation et s'extraire ensuite de l'action passée permet de gagner en liberté de jeu par la suite. Tout est un apprentissage et comme tu l'as très bien souligné, les lignes, les limites et les certitudes bougent. Tout peux bouger, tant que le respect mutuel reste. Aussi pour cette raison que je n'aime pas être foncièrement catégorique. Avec l'âge nous apprenons que nos certitudes passées sont souvent mis à rude épreuve par la vie elle même.
Nous, Monsieur & Madame LOVETOY avons appris de nous mêmes. Gagnés en liberté et n'avons plus peur ou du moins beaucoup moins d'aller plus loins dans nos jeux. C'est sans doute cette construction de confiance au fil des années qui permet cela. Le pegging fait partie de ces jeux qui naturellement nous orientent parfois ou souvent vers des jeux plus femdom, et qui sont souvent accompagnés d'autres jeux, queening, punitions, edging multiple, interdiction de jouir, Bondage, jeux verbaux et d'autres jeux dont nous ne parlerons pas ici parce que ce n'est pas le sujet. Nous n'excluons pas d'explorer d'autres jeux encore parce qu'ils s'inscrivent dans une logique de quête et de voyage propre à notre couple.
Cette dimension de liberté et de connaissance de l'un et l'autre, nous permet de switcher également de rôle et je reprends mon rôle plus dominateur ou d'homme naturel, parce que c'est aussi le visage de notre couple où la femme adore être prise et sentir la fougue, les bras forts qui la contraignent dans sa position, lui encerclent les jambes, un peu fessée, violentée verbalement, dirigée et se retrouver sous une image ou figure plus masculine ou paternelle, (un peu mais pas trop). Ce qui permet de conserver une dimension plus classique du couple et permet également un retour à la normalité, si on peut définir ce qu'est la normalité d'un couple. Se connaître au final est tout ce qui compte.